Déguerpissements à Libreville : pour une approche plus humaine et cohérente

Depuis plusieurs semaines, les opérations de déguerpissement menées dans les zones de derrière l’Assemblée Nationale, Plain Orety et d’autres quartiers périphériques de Libreville, se poursuivent dans une atmosphère de tension, d’incompréhension et de douleur. Des familles entières se retrouvent dans la rue sans accompagnement social structuré et sans solution de relogement immédiate. Ce spectacle de désolation interroge et inquiète.
Il est indéniable que la modernisation de Libreville et d’autres villes du Gabon constitue une priorité nationale. Il est aussi vrai que l’urbanisation anarchique, souvent favorisée par un certain laxisme institutionnel au fil des années, ne peut perdurer sans conséquences graves sur la sécurité, la salubrité et l’harmonie de nos espaces urbains. Mais faut-il pour autant procéder avec brutalité, sans égard aux réalités sociales des populations concernées ?
Les témoignages abondent. Des enfants en pleine période d’examens délogés au milieu de leurs révisions. Des malades chroniques contraints de dormir à la belle étoile. Des familles entières sans toit, errant entre espoirs et désillusions, dans un contexte marqué par une crise aiguë du logement et une flambée des loyers. Trouver un toit devient un luxe pour les plus vulnérables. L’urgence sociale est bien réelle.
Ces opérations, si elles sont conduites sans une planification humaine et inclusive, risquent de produire plus de frustrations que de résultats. Elles exposent l’État à un déficit de confiance, et à des tentatives de récupération politique par ceux que l’ONG TERRITOIRE nomme à juste titre les “vendeurs d’illusions”.
Le Ministère des Travaux Publics, maître d’œuvre de ces actions, ne devrait pas agir en vase clos. La complexité des situations sociales des familles déguerpies requiert une coordination interinstitutionnelle plus forte. Le Ministère des Affaires Sociales, les associations humanitaires, les banques, les propriétaires de logements, les avocats de l’État devraient tous être associés à ces opérations, afin d’en garantir la légalité, l’humanité et la soutenabilité.
Nous appelons à une refonte complète de la procédure de déguerpissement dans notre pays. Il ne s’agit pas de renoncer à la nécessité de moderniser nos villes, mais de repousser les logiques de brutalité, d’agir avec discernement et responsabilité. La cohésion nationale et l’unité du peuple gabonais ne doivent jamais être sacrifiées sur l’autel de l’aménagement urbain.
Dans cette perspective, il est essentiel de rappeler que le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, est un homme d’État, soucieux de préserver la cohésion nationale retrouvée depuis le coup de libération du 30 août 2023. Sa vision d’un Gabon plus juste et plus uni, ancrée dans les principes de dignité et de solidarité, doit inspirer l’ensemble des actions gouvernementales, y compris dans les situations d’urgence sociale. C’est en agissant avec humanité et cohérence que nous honorerons cet esprit de renouveau national.
Voici quelques pistes concrètes pour mieux encadrer ces opérations :
La mise à disposition d’espaces de relogement transitoire, comme des stades ou des centres communautaires, le temps de trouver des solutions pérennes.
Le paiement de trois mois de loyer pour chaque famille, pris en charge par le Ministère des Affaires Sociales, dans des habitations identifiées à l’avance.
La création d’une cellule de médiation sociale pour accompagner chaque opération, avec présence d’assistants sociaux, de juristes et de représentants de la société civile.
Un registre national des zones à risque de déguerpissement, actualisé régulièrement, permettant aux populations de mieux anticiper et aux autorités de planifier avec plus d’efficacité.
Il est encore temps de corriger le tir. Le Gabon a besoin d’urbanisation, oui, mais aussi de justice sociale. Il a besoin de villes modernes, mais également de paix durable. L’ONG TERRITOIRE appelle donc l’ensemble des acteurs étatiques à repenser la stratégie actuelle, pour qu’elle soit à la hauteur des défis sociaux et humains de notre temps.
Car si l’État est garant de l’ordre, il est aussi garant de la dignité de chaque citoyen.
Pour le Comité Stratégique
Le président Fondateur
0 comments